Dans chaque industrie nécessitant des process fluides, l’erreur n’est pas permise… a fortiori quand il s’agit de nucléaire ou de chimie. C’est pourquoi l’entreprise 2c2i a intégré au sein de sa structure un service d’ingénieurs spécialisés dans le calcul de structure des lignes et robinetteries industrielles. Une équipe indispensable pour déterminer la tenue mécanique des installations face aux aléas (séismes, intempéries, explosions…). Explications par Polina Bugrova et Damien Bailly, ingénieurs calcul chez 2c2i.
Pour comprendre toute l’importance du rôle des ingénieurs calcul, souvenez-vous de la catastrophe nucléaire de Fukushima au Japon, à jamais gravée dans la mémoire collective. Le 11 mars 2011, l’installation n’a pas résisté à la violence du séisme, entraînant la fusion des cœurs des réacteurs. « À la suite de cet accident sans précédent, explique Polina Bugrova, les niveaux de tenue des centrales nucléaires aux séismes ont été réévalués dans le monde entier. Nous avons ainsi été mobilisés pour redimensionner un certain nombre d’installations en France. Cet exemple illustre notre mission, qui consiste à prédire le comportement d’unités industrielles face aux risques. »
Assurer la longévité des installations industrielles
L’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) ne sollicite pas uniquement les ingénieurs calcul dans le cadre de catastrophes. Elle fait appel à eux pour s’assurer de la longévité des centrales nucléaires. « En France, les centrales ont été conçues pour une trentaine d’années et certaines atteignent cette limite, poursuit Polina Bugrova. L’objectif est aujourd’hui de les maintenir pour quelques années encore. Sans risque. Notre mission est d’étudier les caractéristiques des lignes, afin de savoir si elles peuvent durer en toute sécurité, pour les 10 années à venir. » Si l’une d’entre elles n’est plus viable, elle sera remplacée et l’ingénieur calcul intervient pour dimensionner la nouvelle ligne avec les exigences actuelles. Polina Bugrova intervient aussi pour des installations neuves, comme pour la conception du Réacteur de recherche Jules Horowitz (RJH) à Cadarache, dans les Bouches-du-Rhône. « Ce sont des calculs complexes, exigés pour que chaque étage du réacteur résiste au pire des conditions locales, en fonction du spectre sismique et du contexte météorologique notamment. »
S’adapter aux industries et aux risques associés
Le service calcul ne s’intéresse pas exclusivement au nucléaire. Loin de là. « Nous intervenons également pour des usines chimiques, pétrochimiques ou de production d’électricité à partir de biomasse, décrit Damien Bailly. Nous avons même travaillé pour une installation à bord d’un sous-marin ! Évidemment, les exigences sont un peu moindres que dans le nucléaire et les risques identifiés différents : le vent, les explosions… » Prenons l’exemple d’un incinérateur de déchets producteur d’électricité. Les tuyauteries ont des diamètres importants et transportent de la vapeur d’eau sous pression à température élevée (77 bar et 400 °C). Elles sont placées à l’extérieur et peuvent bouger sous l’effet du vent. Les calculs de flexibilité ou d’épaisseur d’enveloppe s’avèrent dans ce cas précis essentiels pour éviter le moindre accident.
Déployer des process poussés, pour des calculs sans faille
De mémoire d’ingénieurs calcul, leur métier a toujours existé dans l’industrie. Parmi les plus célèbres, Gustave Eiffel était l’un d’eux. C’est une activité qu’exerce 2c2i depuis près de 45 ans, développant son savoir-faire à force de retours d’expériences et de mise en œuvre de méthodologies. « Nous sommes une vingtaine dans le service, pour la plupart polyvalents, certains spécialisés dans les calculs de flexibilité, de supportage de tuyauteries ou d’éléments finis, indique Polina Bugrova. Chaque projet est un projet d’équipe, soutenu par des experts internes. Jamais nous ne sommes seuls face aux problèmes et nous travaillons main dans la main avec d’autres services de 2c2i, comme les ingénieurs d’installation générale qui dessinent les plans et ceux du Process, par exemple. » Au quotidien, les ingénieurs calcul prédisent ainsi le comportement de pièces mécaniques d’unités industrielles, à partir de codes de calcul, pour évaluer chaque contrainte et déformation en fonctionnement. Ils utilisent dans cette perspective des logiciels, de type Pipestress© ou CAESAR II© (flexibilité), Robot Structural Analysis© (structure métallique), Ansys© (éléments finis), Solidworks Simulation© ou AuxeCAP© (équipements sous pression). Chaque calcul réalisé par un ingénieur calcul est vérifié par un autre membre du service, lui-même qualifié par les experts 2c2i. « Rien ne sort de nos bureaux sans un contrôle interne approfondi, conclut Polina Bugrova. Ici, les process qualité sont très poussés. » Vous pouvez avoir confiance !
[ ENCADRÉ ] Quand l’ingénieur calcul est sur le terrain
Damien Bailly a la particularité de travailler sur site aussi. Pas uniquement au bureau d’études. Il a pour cela une habilitation spéciale. Témoignage.
En tant qu’ingénieur calcul, pourquoi devez-vous vous rendre sur le terrain ?
Quand un client veut redimensionner une ligne existante, il n’a pas toujours le plan de tracé d’origine, malheureusement. En amont du projet, je dois donc me rendre sur place pour faire des relevés du tracé de la tuyauterie ainsi que de son supportage. Pour une ligne neuve, le relevé de l’environnement et de l’encombrement de la pièce est indispensable pour que la ligne s’intègre sans problème sur le site.
Cela consiste donc à prendre des photos et des mesures ?
Il faut effectivement prendre des mesures géométriques et beaucoup de photos, mais ce n’est pas si simple. Les espaces sont souvent très sombres, les installations sont remplies de tuyauteries, parfois inaccessibles à 5 mètres de hauteur ou au contraire à 10 centimètres du sol. Pour que les lignes puissent être flexibles pour supporter les hautes températures, tout en ne cassant pas dans les cas extrêmes, la détermination des fonctions de support (blocage des différents degrés de liberté) est essentielle et va avoir un impact sur nos calculs.
Vous n’avez jamais aucun doute ?
Si, justement, et c’est ce que l’on nous demande. Pour déterminer les ″fonctions″, nous nous servons de notre expérience, consultons nos experts internes et établissons des hypothèses. À la moindre incertitude, nous rédigeons un rapport d’enquête où nous inscrivons nos doutes à chaque étape de nos calculs. Le client peut ainsi valider les hypothèses considérées et les installateurs vérifier au montage, s’il y a bien la bonne fonction de support, par exemple.